Métropolitain interview le jour d’après
Métropolitain interview de l’association le jour d’après
Le jour d’après… non pas le film catastrophe sorti au cinéma en 2004, mais l’association Montpelliéraine qui oeuvre au quotidien à faire que la maladie ne prenne pas le dessus sur la vie professionnelle et personnelle.
Initiée par Esmeralda Verolme et Christophe Grotti, l’association Le jour d’après a vu le jour fin 2015 pour combler une carence de taille : celle de l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques au travail. Un sujet d’actualité puisqu’abordé dans le Plan Cancer 2014- 2019, le troisième du genre, mais malheureusement peu suivi d’actions sur le terrain.
Retour sur une structure créée pour améliorer la qualité de vie professionnelle des personnes atteintes de maladies chroniques, mais aussi de difficultés personnelles car, comme l’expliquent nos protagonistes, l’une ne va pas sans l’autre.
Esmeralda, vous êtes la directrice du Jour d’après, vous Christophe, vous en êtes le président… Racontez nous brièvement l’histoire de cette association ?
Cristophe Grotti : Nous nous connaissons avec Esmeralda depuis plus de 25 ans. Alors, quand elle m’a parlé de son souhait de créer une structure associative pour venir en aide gratuitement aux gens atteints d’une maladie chronique, notamment le cancer, j’ai été emballé et j’ai tout de suite accepté de la présider. Ce sujet du retour et du maintien dans l’emploi après un traumatisme lié à la maladie ou un accident est une vraie question de société. J’ai été moi même confronté à cette problématique et je sais mieux que quiconque à quel point il est difficile de revenir à sa vie professionnelle après un traumatisme engendré par un souci de santé. Suite à un cancer, un infarctus, un burn out…, les priorités ne sont plus les mêmes et beaucoup de personnes sont confrontées à un retour pénible, voire non adapté à leur santé fragilisée.
Esmeralda Verolme : Effectivement, de par mon métier de coach certifié et spécialisé en entreprise, j’ai rencontré et accompagné beaucoup de personnes en difficulté après un grave problème de santé. Des personnes fragilisées qui se retrouvées confrontées à une double peine : celle de la maladie mais aussi celle de devoir faire appel personnellement à quelqu’un pour se reconstruire. Une reconstruction identitaire -l’identité d’une personne étant faite de ce qu’elle est personnellement mais aussi professionnellement- qui avait un coût humain mais aussi financier. C’est pour permettre à ces personnes d’être accompagnées gratuitement dans leur projet professionnel que nous avons créé Le jour d’après.
Pourquoi Le jour d’après ?
Esmeralda : Nous avons beaucoup réfléchi avec Christophe et nous sommes rapidement tombés d’accord sur le message que nous voulions faire passer. Il était important pour nous de faire comprendre au plus grand nombre qu’il y avait un »après » après la maladie. Il y a le jour où le diagnostic vous tombe dessus, nouvelle qui plonge le patient dans un trou sans fond et dans une profonde solitude ; puis il y a »l’après », quand quelqu’un vous tend la main pour vous remonter vers le jour… C’est là notre mission.
Les associations caritatives de ce genre ne manquent pas…
Christophe : De nombreuses associations mènent effectivement des actions de terrain permettant aux malades de ne pas se sentir seuls et d’être accompagnés dans leurs difficultés quotidiennes. Un travail de terrain proposé par des psychologues, des sophrologues, des esthéticiennes, des diététiciennes, des coach sportifs, des médecins… qui opèrent surtout sur l’aspect vie personnelle. Le jour d’après intervient d’abord sur l’angle professionnel, le personnel étant amené par la suite au cours du travail mis en place lors de l’accompagnement. Les deux sont liés !
Esmeralda : J’ai été confrontée à de nombreux malades et à leurs difficultés professionnelles. C’est en échangeant avec eux et en les accompagnant en tant que coach que j’ai pris conscience des nombreuses difficultés rencontrées lorsqu’il était question de retourner travailler. Les situations mettaient en évidence des besoins non pris en compte. C’est pour développer un accompagnement de proximité et adapté à chaque individu que nous avons imaginé l’association. Ce n’est en aucun cas pour faire comme les autres. D’ailleurs, nous essayons de travailler main dans la main avec les associations et les organismes concernés.
Avec quelles associations par exemple ?
Esmeralda : Nous sommes en alliance avec le MIS (Institut Montpellier du Sein), ou encore l’ICM (Institut régional du Cancer Montpellier) avec qui nous venons d’ailleurs de lancer une étude de recherche. Intitulée »Visibilité », cette étude, dont la durée devrait être d’un an, va nous permettre d’évaluer la faisabilité d’un programme d’accompagnement de coaching sur la qualité de vie sociale et professionnelle des patientes atteintes de cancer du sein après leur traitement adjuvant.
Christophe : Une étude de recherche ou plutôt un protocole de recherche que Le jour d’après peut mettre en place notamment après avoir remporté le prix »L’innovation sociale pour les malades et leurs proches aidants » décerné par Malakoff Médéric Humanis. Un appel à projet qui va nous permettre de financer une partie de cette étude.
Esmeralda : Nous sommes également en contact avec la Montpellier Reine, présidée par Barbara Pastre-Glatz. Nous avons été sélectionnée en 2017 pour faire partie des bénéficiaires de la course caritative. Cette année, comme l’année dernière, nous avons l’honneur d’avoir été choisi pour bénéficier de la vente aux enchères qui se déroulera samedi 20 juillet dans le cadre du festival des vins d’Aniane.
Christophe : Une précieuse aide qui nous a permis l’année dernière d’accompagner six personnes dans leur retour et maintien au travail.
Le Festival les Vins d’Aniane ?
Christophe : Ce festival a été créé il y a 21 ans et est présidé par Roman Guibert, du domaine de Daumas Gassac. C’est une manifestation qui met à l’honneur le vin de l’appellation, la gastronomie et le patrimoine lors de diverses animations. Plusieurs temps forts sont programmés, dont un Atelier Gastronomique, une dégustation horizontale des grands vins d’Aniane, ou encore une descente en canoë au départ du Pont du Diable s’achevant en dégustation des rosés des vignerons, les pieds dans l’eau… La vente aux enchères est une manifestation placée entre convivialité, terroir et solidarité.
Comment se présentent vos accompagnements ?
Christophe : Nous proposons des programmes d’accompagnement par des coachs professionnels certifiés. Ces ateliers individuels et collectifs proposés gratuitement permettent aux personnes -chaque individu à ses propres enjeux- de réintégrer la vie sociale et professionnelle plus rapidement et surtout dans de meilleures conditions. L’objectif des ces ateliers d’une durée moyenne de six mois, soit 64 heures (4h toutes les trois semaines) est soit de réintégrer un emploi, soit de construire un nouveau projet de vie, soit d’améliorer sa qualité de vie.
Esmeralda : Ces accompagnements sont mis en place pour permettre une reconstruction identitaire dans la bienveillance. L’accompagnement individuel permet à la personne de libérer son potentiel, d’identifier et d’atteindre les objectifs personnels et professionnels qu’elle s’est fixée. Un espace privilégié dans lequel la personne peut s’exprimer librement, faire émerger des idées ou des actions afin de retrouver l’envie et le désir de réaliser son projet. L’accompagnement collectif -groupe de sept personnes maximum permet quant à lui de mettre en place un espace privilégié dans lequel se crée une dynamique interpersonnelle d’appropriation, de partage, de représentation, d’élaboration et de réflexions communes et individuelles dans l’élaboration du projet de chaque personne. Cette espace favorise la résilience.
Combien de personnes avez-vous accompagné depuis la créations de l’association ?
Christophe : Jusqu’à présent, nous avons accompagné 98 personnes. Nous espérons en accompagner beaucoup d’autres.
Esmeralda : En tout cas les retours nous incitent à nous battre ! Quand on entend »Je n’avais plus envie, aujourd’hui je me sens en vie » … On ne peut être que motivé pour continuer.
Travaillez-vous également avec les entreprises et les institutions ?
Esmeralda : Il est évident que nous les englobons dans notre démarche. La santé des salariés passe avant tout par la santé dans les entreprises. L’humain est au coeur de sa vie professionnelle et personnelle. Les entreprises et les organisations sont avant tout des structures composées d’hommes et de femmes plus ou moins fragiles. Notre ambition est donc également de sensibiliser les chefs d’entreprises et les élus à la santé de leurs salariés et de leurs collaborateurs. En plus de mettre l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises, nous proposons des actions sociales et solidaires autour de l’innovation sociale en entreprise.
Christophe : Pour mettre en place ces actions, nous proposons plusieurs types de partenariats dont, par exemple, le parrainage qui offre une contrepartie équivalente à l’investissement ou le mécénat financier qui propose une alliance gagnant-gagnant. L’objectif étant de mettre en place un maximum de partenariats avec le milieu associatif, professionnel et institutionnel pour répondre au mieux aux problématiques des personnes concernées.
Êtes-vous accompagné par les institutions locales ?
Christophe : Pas vraiment… pas du tout même ! Nous avons essayé mais les institutions locales n’ont pas été très réceptives à nos demandes. Nous sommes très bien reçus dans les autres régions et à Paris. Il nous faut encore nous battre pour nous faire entendre en Occitanie. Le travail de terrain que nous menons au quotidien nous prouve que l’association a un rôle important à jouer dans la société. Les nombreux témoignages que nous recevons nous incitent à continuer à oeuvrer et poursuivre le combat. Nous comptons bien le faire, et ce, avec ou sans l’appui des institutionnels. Même s’il est évident que ce serait plus simple avec leur aide.
Merci pour vos actions ! Comment est-il possible de ne pas recevoir de soutien de votre région ? Vos accompagnements devraient être remboursés par la sécu vu que les personnes retournent plus rapidement dans la vie pro ! Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Bravo…
Merci beaucoup pour votre message ! Oui et sur les 100 personnes accompagnées une seule a reçue de l’aide des institutions publiques dans son parcours de santé au travail !